Jazz Impro & C° – novembre 2019

Jazz et musiques improvisées toujours au menu de cette page de novembre 2019. Un automne quelque peu agité par la consternation du monde du jazz de France après la diffusion TV des Victoires du Jazz 2019. J’en suis aussi consterné, mais d’une autre façon !
Un automne éclairé par une belle livraison de disques qui promettent un avenir souriant à nos musiques favorites (l’espoir renaît ?).
Espoir aussi en voyant venir chez nous quelques musiciens scandinaves des plus inventifs… À suivre de près alors !


Non aux Victoires du Jazz !

…et autres remises de prix.

Vous avez manqué la diffusion des Victoires du Jazz 2019 sur France 5 le 4 novembre ? Vous pouvez encore assister jusqu’au 25 avril à cette déroute du jazz, en replay ici…

Des consternés consternants ?

Laszlo Gardony La Marseillaise Sunnyside records 2019
La Marseillaise de Laszlo Gardony, pianiste hongrois installé à Boston !

C’est consternant et d’ailleurs, le petit monde du jazz de France s’est dit consterné et a mis en ligne une lettre de consternation que vous pourrez consulter et signer ici à l’envi (c’est là…).

Je ne signe pas !

Pourquoi se ridiculiser dans des querelles de cour de récréation ? Une rébellion consternée (et consternante) pour se plaindre de l’intrusion d’artistes de variété dans l’émission de télé censée célébrer la remise des prix annuelle de ce petit monde.
Eh ! les gens ! (comme dirait l’autre), ça fait belle lurette que ces mêmes artistes « non homologués jazz » (pour ne pas dire de variété, de pop et autres…) sont à l’affiche de bien des festivals dits « de jazz » (vous voulez des noms ?). Et c’est maintenant que vous êtes consternés, parce que ça se passe à la sacro-sainte télé de France ?
En plus, cette une sorte de pétition (lettre de consternation) s’intitule… « pour sauver les Victoires du Jazz« .
On croit rêver…
On grogne sur la remise des prix parce que des hors-uns sont venus se faire mousser à la place des « récompensés » mais on ne remet pas en question l’idée absurde de remises de prix annuelles. Un peu d’audace, de courage et de hauteur de vue !
Allons ! Il faut « bousiller les Victoires du Jazz » (et autres remises de prix d’un autre siècle), les achever !
Ma position n’est pas récente sur le sujet. je la défendais déjà en janvier 2012 dans les pages de CultureJazz (« Gloire aux héros ! » – lire ici… ).

Le jazz vaut mieux que cela

Le jazz (musique improvisée) est libre et universel, inclassable et singulier. Il ne connaît pas les frontières.
Comment peut-on déterminer qui de ses acteurs est plus méritant qu’une ou un autre ? Sur quels critères objectifs ?
Et comment se fait-il que les mêmes reçoivent des récompenses plusieurs années de suite ?
Il n’y a pas assez de musiciens méritants dans le monde ?
Et pourtant, il existe à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières des musiques et des musiciens dont on ignore injustement l’énergie créative ! « On » désigne ici « les professionnels de la profession« , ceux qui savent mieux qui mérite de jouer sur les scènes de notre Hexagone..
Parce que derrière cette mascarade, il y a bien un jeu de pouvoir(s). Des diffuseurs, les structures de financement et « d’aide » sont souvent discriminantes pour les musiciens plus soucieux de leur art que de l’image médiatique qu’ils veulent se donner.

Jazz action forever ?

En France, on est passé d’un jazz marginalisé porté par un tissu associatif dans les années post-68 jusqu’au tout début des années 80 (période d’intense activité artistique artisanale avec les réseaux des « Jazz Action » et compagnie) à un jazz désormais subventionné (après 1981) et encadré dépendant (victime ?) des lois du marché de la culture et de codes esthétiques qui laminent la créativité ou la réduisent à nouveau à une forme de marginalité (les musiques improvisées…).
Il n’y aura sans doute jamais eu autant de concerts et de festivals « de jazz » qu’aujourd’hui, certes. Seulement, où est l’originalité, la curiosité, l’audace au regard de programmations qui se ressemblent presque toutes ? Pour rappel, je nuance et précise ces remarques dans « Jazz c’est fini ? » – août 2019)

À l’écoute du monde…

Il faut écouter le jazz et les musiques improvisées avec curiosité sans oublier le passé (les racines afro-américaines) mais en guettant l’innovation dans un souci d’ouverture culturelle.
C’est notre mission dans l’équipe de CultureJazz et ici avec cette page mensuelle (avec son catalogue de disques).
Il faudrait pouvoir chroniquer et mettre en avant les qualités de ces musiques qu’on n’écoutera peut-être jamais sur nos scènes françaises à l’exception des lieux curieux et de festivals inventifs.. Le temps nous manque tant la production est abondante.


Bonne nouvelle, on ouvre les frontières !

Prenons juste l’exemple du jazz scandinave. Non, il n’y a pas que Jan Garbarek ! La scène scandinave est très riche et créative. On le sait pour la Finlande, Pays dans lequel s’est expatrié Charles Gil qui invente des modes d’échange entre France et Finlande pour ne citer que lui (www.vapaataanet.fi).
C’est par son intermédiaire que ses sont créés les liens d’amitié entre le saxophoniste Sylvain Rifflet et le trompettiste finlandais Verneri Pohjola. On les retrouvera ensemble dans de nombreux lieux en France avec le projet Troubadours (Conservatoire de Caen le 10 décembre, par exemple).
En ce mois de novembre, un changement semble s’amorcer avec l’arrivée de quelques formations scandinaves plutôt novatrices. Ainsi, l’association Jazzé Croisé qui fédère l’action de festivals et de lieux de diffusion en France invite des scandinaves qui seront peut-être programmées ensuite sur nos scènes (le très intéressant Erlend Apneseth Trio, par exemple). Association Jazzé Croisé – Rencontres AJC 2019.
Le Collectif PAN! à Caen a souvent une longueur d’avance, voire plus sur la découverte de musiques innovantes. Ainsi la soirée automne qu’il organise le 21 novembre 2019 invite le quartet franco-norvégien Dans les arbres. Xavier Charles, le français, est à la clarinette. À ses côtés Christain Wallumrød au piano (musicien formidable !), Ivar Grydeland est à la guitare et Ingar Zach tient la grosse caisse horizontale agrémentée de percussions. Je ne pourrai assister à ce concert… J’espère que l’occasion se représentera.
Il faut souligner que cette percée du jazz scandinave « de pointe » est due, entre autres, à l’audacieux label norvégien Hubro. Merci à Marie-Claude Nouy et Antonin Lennes qui assurent avec efficacité la promotion de ces labels en France. Une victoire à leur actif !


Et toujours de beaux disques !

Ce mois-ci encore, la production enregistrée (diffusée sous forme physique, le CD voire le 30 cm vinyle, ou numérique) est abondante, riche et rassurante sur l’état de santé du jazz qui avance en avant (et pas à reculons !).
Vous trouverez ci-dessous le catalogue mensuel de Zarbalib(r), en PDF.

49 de disques dont voici les auteurs par ordre aphabétique :
Rez ABBASI || Bruno ANGELINI – Daniel ERDMANN || Yakir ARBIB || Raymond BONI – Gilles DALBRIS || BOOLVAR || Nat King COLE (deux fois, deux albums importants !) || Rémi CHARMASSON – Alain SOLER || Marc COPLAND || Jeff DENSON – Romain PILON – Brian BLADE || DOCK IN ABSOLUTE || Dave DOUGLAS || Avram FEFER Quartet || Laszlo GARDONY || GHOST RHYTHMS || Clemens GUTJAHR Trio || Pierrick HARDY Acoustic Quartet || Fred HERSCH TRIO || Ethan IVERSON Quartet with Tom HARRELL || Clément JANINET – O.U.R.S. || Harry CONNICK Jr || Sabine KÜHLICH & Laia GENC || LANDLINE || Remy LE BOEUF || Lukas MANTEL Sextet || Derel MONTEITH || Derel MONTEITH Trio || Robert MORGENTHALER – Urs RÖLLIN – Tanel RUBEN || Marius NESET || Guillaume NOUAUX || PEUKER8 || Harish RAGHAVAN || Enrico RAVA – Joe LOVANO || Adam RUDOLPH || Marta SANCHEZ Quintet || Carmen SANDIM || Daniel SCHLÄPPI – Marc COPLAND || Louis SCLAVIS || SHAKE STEW || Mark SHERMAN || Kevin SUN || SUREL – SEGAL – GUBITSCH || TABASCO || The DOGGY CATS || Stéphane TSAPIS Trio & Friends || Gebhard ULLMAN || Sarah WEAVER || Jason YEAGER || Alice ZAWADZKI

Coups de chapeau à…

Kevin Sun. The Sustain of Memory. Endectomorph Records 2019
Kevin Sun « The Sustain of Memory »

Parmi les 49 disques référencés ce mois-ci dans la catalogue, j’en ai retenu 13 pour un coup de chapeau qui en fait ainsi mes disques favoris du mois. Voir le catalogue pour les détails et liens (y compris écoute et achat pour la plupart).

  • Le duo Daniel Erdmann / Bruno Angelini pour leur duo en hommage à deux jeunes résistants allemands exécutés en février 1943. « La dernière nuit », enregistrement autoproduit. Chronique CultureJazz.fr (OUI !).
  • Autre duo, de guitares cette fois entre Rémi Charmasson et Alain Soler. Le disque de ces « sudistes » est dédié à leur copain André Jaume. De la broderie fine ! (« Mr A. J. » – Label Durance)
  • Marc Copland, merveilleux pianiste avec son formidable trio (Drew Gress, Joey Baron). Relecture purificatrice de thèmes connus. (« And I Love Her » – Illusions-Mirage).
  • Dave Douglas met en musique son engagement de citoyen américain (et du monde) avec une formation paritaire (F/H) et explosive d’inventivité ! (« ENGAGE » – Greenleaf records). Chronique sur CultureJazz.fr (OUI !).
  • Super quartet aussi pour Avram Fefer, saxophoniste qui propose un excellent disque sur le non moins excellent label Clean Feed de Lisbonne. (« Testament » – Clean Feed records) – Chronique sur CultureJazz.fr par Yves Dorison à lire ici ! (OUI !).
  • Guitariste et clarinettiste, Pierrick Hardy nous propose un très bel album « chambriste » avec son Acoustic Quartet. Claude Tchamitchian, Régis Huby et Catherine Delaunay collaborent à la création de cette musique subtile. (« L’Ogre Intact » – Label Evidence).
Daniel Erdmann - Bruno Angelini. La dernière nuit - 2019
Daniel Erdmann – Bruno Angelini « La dernière nuit »
  • Un autre musicien français des plus intéressants : le violoniste Clément Janinet qui décline une vision contemporaine des danses intemporelles en forme d’interrogation avec son beau quartet O.U.R.S.. (« Danse ? – Gigantonium).
  • Landline est un quartet nord-américain qui explore de nouveaux modes de jeu collectif. Ici, il explore le jeu du téléphone. Chaque membre commence une composition et la passe à son « voisin » préalablement. Le disque propose le résultat ! Épatant et inventif ! (« Landline » – Loyal Label).
  • Pour écouter de la musique pour grande formation (big-band), ce disque de Remy LeBœuf, saxophoniste et compositeur américain vous propose « Assembly of Shadows« . Arrangements impressionnants et formation superbe. (SoundSpore Records).
  • J’aime beaucoup le disque de la pianiste madrilène aujourd’hui new-yorkaise Marta Sánchez. (« El Rayo de Luz » – Fresh Sound New Talent). Ma chronique de son disque va paraître en décembre sur CultureJazz.fr (OUI !).
Marta Sanchez Quintet - El Rayo de Luz - Fresh Sound new Talent - 2019
Marta Sanchez Quintet « El Rayo de Luz »
  • Louis Sclavis nous propose toujours des musiques et des formations de grande classe. Ce quartet est impressionnant de cohésion. Il magnifie les compositions de Maître Sclavis ! (« Characters on The Wall » – ECM) – Lire la chronique d’Yves Dorison sur CultureJazz.fr ici… (OUI !).
  • Ambition, intelligence, créativité caractérisent le travail de musicien de Kevin Sun, saxophoniste américain. Ce double CD permet de goûter avec gourmandise les saveurs de ses compositions organisées en trois suites. (« The Sustain of Memory » – Endectomorph Music) – Chronique sur CultureJazz.fr (OUI !).
  • Gebhard Ullmann, le leader, Hans Lüdemann, Eric Schaefer and Oliver Potratz constituent le quartet germanique PULS. Quatre explorateurs du jazz inventif et à inventer. Épatant ! (« MikroPULS » – Intuition). Chronique d’Yves Dorison sur CultureJazz.fr à lire ici… (OUI !).

C’est bientôt Noël !

Sabine Kühlich Laïa Genc. A swinging X-mas - Double-Moon - 2019
Sabine Kühlich & Laïa Genc. « A swinging X-mas… »

Inévitablement, j’ai un disque de Noël à vous proposer. Il nous vient d’Allemagne (normal, c’est une tradition chez les anglo-saxons ces musiques de Noël !). On le doit aux deux copines Sabine Kühlich et Laïa Genc qui nous ont proposé de bons disques dans le passé. Cette fois, c’est gentillet et très convenu. Ne manquez pas leur « Petit Papa Noël » (en V.O.F.), kitsch à souhait ! (« A Swinging X-mas with Friends » – Double Moon – Challenge Records.

Je vous indique mes trois disques de Noël préférés, allons-y ! Si vous les trouvez encore :

  • Le plus décoiffant : « Joyeux Noël / Merry Christmas » produit par Jean Rochard et ses disques nato publié à l’origine en 1987 et réédité en 2011. un assemblage subtil de musiques contrastées et souvent drôles. On y retrouve les musiciens « maison » : Tony Hymas, Steve Beresford, The Melody Four, Tony Coe mais aussi… John Zorn !
  • Le plus chaleureux car enregistré en plein été dans une église de Provence ! « Pieces for Christmas Peace » du Sixtine Group de Raphaël Imbert. C’est superbe ! Avec Marion Rampal (voix), Christophe LeLoil (trompette etc)… Paru chez ZigZag Territoires en 2006.
  • Le plus sérieux (?) et scintillant : « My Xmas TraX » d’Alban Darche. Le saxophoniste ligérien (du 44) arrange avec la science et l’humour qui le caractérisent de grands classiques du répertoire de Noël en pensant à Tim Burton. Il a réuni une sacrée équipe de musiciens pour mener à bien ce projet où scintille la voix de la soprano Anne Magouët. Label Pépin & Plume – Écouter et commander ici : www.pepinetplume.com.

À suivre dès décembre 2019 !