Jazz, Impro & C° – disques de juin 2020
Commençons par un signe d’espoir qui préfigure le retour à la vraie vie. Le festival « Les Émouvantes » est annoncé du 16 au 19 septembre au Théâtre des Bernardines à Marseille autour de la thématique « Carrefour des imaginaires« . Claude Tchamitchian en est toujours le directeur artistique et sera présent sur scène, pas seulement pour présenter les soirées et veiller au grain, mais aussi avec sa contrebasse dans le trio de la flûtiste Naïssam Jalal (16 septembre à 21h). Avec la jauge assez réduite de cet agréable lieu, les risques sanitaires seront réduits. Il faut saluer le courage de l’association organisatrice qui n’étonnera pas ceux qui connaissent l’engagement réfléchi de Claude Tchamitchian et de sa Compagnie. J’y étais l’an passé pour CultureJazz. Le programme diversifié et toujours curieux qui vient d’être annoncé promet quatre riches soirées sur le plan artistique. Le site : Festival Les Émouvantes 2020.
Les disques du mois
Pour le moment, nous avons toujours des disques à écouter, qu’ils soient en plastique délicatement enveloppés ou au format numérique. 40 nouvelles références pour ce mois de juin 2020 à découvrir dans le catalogue mensuel de Zarbalib(r) (téléchargeable car en PDF, avec plein de liens actifs dedans !).
Cordes frottées, pincées, frappées…
Stéphanie-Marie Degand et Violaine Cochard
Dans la continuité de ma gazzette de mai 2020, je reviens avec bonheur vers la musique de Johann Sebastian Bach pour évoquer le magnifique disque que les duettistes Stéphanie-Marie Degand et Violaine Cochard ont consacré à l’intégrale des sonates pour violon et clavecin signées du « Cantor de Leipzig ». Le label NoMadMusic qui le publie entretient aussi des liens étroits avec l’univers du jazz. On retrouvait d’ailleurs Violaine Cochard aux côtés de Louis Sclavis (clarinettes) et Matthieu Metzger (saxophone) avec l’ensemble Amarillis pour « Inspiration baroque« , autre disque exemplaire sur le même label en 2016 (chronique sur CultureJazz, ici…). Leur approche dans l’esprit de l’époque (violon baroque) est portée par la complicité musicale de deux amies de longue date qui se délectent de l’interprétation d’un précieux répertoire pour clavier (à cordes pincées) et violon. Un enregistrement incontournable ! (En savoir plus et écouter sur le site de NoMadMusic, ici…).
Alexander Hawkins & Tomeka Reid
On découvrira aussi une vraie affinité musicale à l’écoute du duo piano-violoncelle que composent le pianiste britannique Alexander Hawkins et la formidable violoncelliste (de Chicago), Tomeka Reid. Cette fois, nous abordons des modes de jeu et une musique ouverte de notre sècle. L’improvisation libre est reine mais avec un sens de l’écoute et de l’interaction qui fait de chaque pièce une véritable composition spontanée. Une rencontre de haut niveau proposée sur l’excellent label suisse Intakt Records animé par Patrik Landolt. (« Shards and Constellations » – Intakt Records 2020).
Nathalie Darche
Comment ne pas penser à Erik Satie et à Claude Debussy à l’écoute du dernier enregistrement réalisé en piano solo par Nathalie Darche. Elle y interprête 15 berceuses composées par Geoffroy Tamisier, musicien dont on connaît de longue date la grande sensibilité à la trompette et qui rappelle ici qu’il est aussi un fin compositeur. Des berceuses pour renaître dans le « monde d’après« , enregistrées sur le célèbre piano du Studio La Buissonne à Pernes-Les-Fontaines. Pouvait-on rêver mieux ? (« 15 berceuses » – Yolk Records)
Autour du piano, toujours…
Matthew Shipp
Trois pianistes,encore et toujours pour ajouter encore de la diversité esthétique..
Avec « The Piano Equation« , Matthew Shipp est très largement à la hauteur de sa réputation grandissante. Ce disque en piano solo est la preuve éclatante de sa créativité nourrie de l’histoire de l’instrument dans le jazz. « Les genres s’entrechoquent dans son jeu avec bonheur. Avant-gardiste certes, il est tout de même capable de swing racinaire. » écrit Yves Dorison pour CultureJazz. Comme lui, je concluerai en considérant que ce disque est « tout simplement remarquable« . (« The Piano Equation » – TAO Forms Records ).
Martial Solal & Dave Liebman
Après plus de 80 ans de pratique quotidienne assidue du piano, Martial Solal n’a pas son égal pour jouer avec l’instrument, aussi agile sur le clavier qu’un funambule sur la corde, toujours en équilibre parfaitement maîtrisé. Il en a rencontré des musiciens, des maîtres, au cours de sa carrière exceptionnelle ! En 2016, il eut l’occasion de dialoguer avec le saxophoniste Dave Liebman. Après « Masters in Bordeaux » (cf. CultureJazz) publié en 2017, on les retrouve un peu plus tard cette même année 2016 à la Maison de Radio-France. « En duo, ils vont à l’essentiel et mènent une conversation sans temps morts en abordant quelques thèmes bien connus pour en extraire des saveurs nouvelles : c’est bien là la magie du jazz. » écrivais-je en 2016. Bis repetita. Ébouriffant !
Cory Smythe
Cory Smythe est un remarquable pianiste et compositeur américain. Pour « Accelerate Every Voice« , il remplace les composantes instrumentales d’un sextette de jazz par des voix, à l’exception du piano. Sur cette base, il imagine une musique totalement neuve, étonnante et, de ce fait, passionnante. On pourra lire ma chronique sur CultureJazz.fr, ici…, accompagnée d’un OUI !, le label honorifique de référence ! (« Accelelerate Every Voice » – Pyrolastic Records 2020 ).
Cory Smythe « Accelerate Every Voice »
L’imposante et chaleureuse contrebasse…
Jorge Roeder
Solo encore pour le contrebassiste péruvien Jorge Roeder. Ce musicien de grand talent installé à New York, entendu aux côtés du guitariste Julian Lage ou du tromboniste Ryan Keberle n’a pas attendu le confinement pour enregistrer seul ce très beau disque sensible et poétique qui n’est surtout pas une démonstration de virtuosité gratuite. Superbe interprétation du Lonely Woman d’Ornette Coleman ! (« El Suelo Mio » – Autoproduction/Bandcamp)
Roger Kintopf
Élève de Riccardo Del Fra au conservatoire national de musique de Paris depuis l’an passé, le jeune contrebassiste Allemand Roger Kintopf est à bonne école ! Il fait la preuve de son talent d’instrumentiste mais aussi de compositeur à la tête d’un solide quartet qui fait avancer le jazz d’aujourd’hui dans les traces du passé avec un enthousiasme communicatif. (‘Structucture » – Double Moon records)
Tarik Hassan
J’ai découvert le contrebassiste américain Tarik Hassan suite au message qu’il m’a adressé dans un français impeccable. C’est rare venant des USA ! Il faut dire qu’avec des origines irlandaises (sa mère) et palestiniennes (son père), il a tout d’un citoyen du monde. D’ailleurs sa musique sensible, poétique, remarquablement structurée puise son inspiration dans différentes cultures. Un musicien qu’on découvrira avec plaisir à l’écoute de ce beau disque. (« Yalla » – Autoproduction/Bandcamp)
Le « Journal de la Peste » de Ben Golberg
Je terminerai cette revue de disque du mois de juin 2020 en faisant encore référence au confinement quasi généralisé pour cause de pandémie. On l’a vu, les musiciens ont dû aussi s’adapter à la situation et le travail en solo a, pour beaucoup, été la condition d’une poursuite de la pratique musicale. Ainsi, le clarinettiste américain Ben Goldberg a-t-il décidé d’enregistrer chaque jour depuis le 19 mars une pièce musicale qu’il publie sur une page dédiée disponible sur Bandcamp. Avec sa clarinette, un clavier et quelques effets, son « Plague Diary » (Journal de la peste) prend la forme d’une suite d’études pour clarinette confinée ! C’est souvent inégal mais l’idée est intéressante. Cela restera une trace d’un moment singulier. Notez que le téléchargement est totalement libre et gratuit. Cependant, Ben Goldberg rappelle qu’une petite contribution financière sera appréciée par l’artiste… Les temps sont durs pour les musiciens privés de concerts. (« Plague Diary » – Autoproduction/Bandcamp)
À suivre… sans doute pendant l’été 2020.
Et d’ici-là ne manquez pas de visiter l’indispensable CultureJazz.fr !